“Le Corbu”, une maison de maître à dimension humaine

By 7 juillet 2015Articles récents

Elle est parfois considérée comme l’emblème de la ville. Fascinante et représentative de l’architecture d’une époque, sa présence à Rezé permet à la ville de jouir d’une notoriété internationale. La Maison radieuse de l’architecte Le Corbusier, qui fête cette année ses 60 printemps, suscite encore aujourd’hui les passions et la curiosité. Et pourtant, on y vit toujours bien. D’hier à aujourd’hui, retour sur une conception unique de l’habitat.

Un véritable engouement. 2 500 visiteurs viennent chaque année emprunter ses rues* et parcourir ses artères. Il faut dire qu’elle en impose. 294 appartements, 108 mètres de long, 52 mètres de haut et 19 mètres de large : la Maison radieuse de Rezé, que l’on aperçoit des kilomètres à la ronde, s’évoque d’abord par sa stature et par ses chiffres. Prévue dans les années 50 dans un contexte de crise du logement pour accueillir des familles (voir encadré), elle répondait alors à un besoin de construction quantitatif, tout en apportant une vraie qualité de vie. Pourtant, maintes fois décriée -pour son aspect extérieur notamment, et même refusée par la ville de Nantes à l’époque, elle reste aujourd’hui plébiscitée par ses habitants pour la qualité des appartements, et, surtout, pour la convivialité qui y règne.

« L’esprit Corbu »

« Quand je suis arrivée à Rezé, j’ai cherché un logement où je n’allais pas rester 6 mois sans rencontrer quelqu’un, raconte Anne Scotet, l’actuelle présidente de l’Association des Habitants de la Maison Radieuse (AHMR). Bien sûr, l’appartement me plaisait, à la fois très atypique et avec une vue incroyable sur la ville, la Loire, le pont de Cheviré… mais j’ai d’abord choisi de vivre à la Maison radieuse car j’avais entendu parler du lien social et de la vie associative qui y existait. » Ouverture aux autres, partage, mixité sociale : en 2015, l’esprit qu’avait insufflé Le Corbusier à son projet persiste donc toujours. « On retrouve ici une vie de village d’autrefois, où les gens se connaissent tous et s’entraident ». Car dès le départ, tout a été pensé par l’architecte pour créer du lien entre les habitants au sein de ce qu’il appelait son « village vertical » : les locaux vides mis à disposition des clubs, le bureau de poste en rez-de-chaussée (aujourd’hui fermé), les 3 ascenseurs centraux incontournables qui obligent les habitants à se croiser, le parc privé de 6 hectares… et l’école, bien sûr, nichée sur le toit du bâtiment.

Les enjeux actuels

Une école maternelle dont le maintien est un des enjeux primordiaux pour les habitants actuels. «Nous y sommes très attachés car elle est restée telle qu’à l’époque de sa conception, et, surtout, car elle amène de la vie. Mais sa pérennité est sans cesse remise en question », détaille Yvette Bourry, membre de l’AHMR. Autre enjeu, bien sûr, le maintien de cette vie sociale au sein du bâtiment. « 13 clubs existent aujourd’hui, qui vont de la photographie à l’apprentissage de l’espagnol. Certains ouvrent, d’autres ferment, c’est une évolution normale. Mais tous sont tenus par des bénévoles, et c’est ça qui est fondamental. »

Des lendemains radieux ?

D’autres obstacles existent cependant. L’entretien d’un tel « paquebot » par exemple n’est pas évident, toutes les rénovations étant à la fois onéreuses et soumises à la surveillance des bâtiments de France. Néanmoins, 60 ans après sa construction, les habitants ont toujours su rebondir et garder intacte l’âme de « leur Corbu », qui rayonne bien au-delà de ses murs. Avec une seule volonté, « que ça dure encore longtemps ».

* Nom donné par l’architecte aux couloirs desservant les appartements

“ Faite pour des hommes, faite à l’échelle humaine, dans la robustesse des techniques modernes, manifestant la splendeur du béton brut, pour mettre les ressources sensationnelles de l’époque au service du foyer ”. Le Corbusier

Il y a 60 ans naissait la Maison Radieuse

La Maison radieuse a été construite en 1955 dans un contexte social et économique très particulier. À la suite de la seconde guerre mondiale, la ville de Nantes et son agglomération connaissent une crise du logement particulièrement sévère. Les bombardements, le baby-boom, l’arrivée massive de travailleurs étrangers pour répondre à l’industrialisation du pays sont autant de facteurs cumulés qui génèrent cette situation critique. De multiples réponses architecturales sont alors proposées en France.

Celle de Le Corbusier, qui pense sa réalisation comme un « village vertical », est probablement une des plus qualitatives pour l’époque : chacun des 294 appartements en duplex, particulièrement lumineux, dispose d’une terrasse, d’une baignoire et de toilettes et d’un système de ventilation centrale. Une révolution pour l’époque. Les matériaux de construction sont de qualité, assurant une bonne isolation, et l’immeuble placé au sein d’un vaste espace vert. Si 650 personnes environ y vivent actuellement, ils auront été près de 1 500 il y a quelques décennies. Aujourd’hui, signe d’une réussite, la façade et l’école de l’immeuble sont classés à l’inventaire des monuments historiques.

(article/dossier rédigé pour le numéro de juin-juillet du magazine de la ville de Rezé)